ANIA – CR du comité de liaison avec le Gouvernement sur les négos commerciales du 2 juin 2022

Pour information le Ministre Bruno Le Maire était excusé pour ce comité mais représenté par la DGCCRF.

En introduction, le Ministre Marc Fesneau a rappelé le contexte très difficile de la Crise en Ukraine, de la grippe aviaire, et de la crise sanitaire en Chine, différents facteurs qui engendrent une inflation sans précédent.

Ce contexte remettant en cause en cause notre souveraineté alimentaire, l’enjeu est donc de conserver et rétablir notre capacité à produire aux niveaux agricole et industriel. Le ministre a rappelé son souhait que nous ne fassions pas venir les marchandises de l’étranger. Il a par ailleurs rappelé l’importance d’une distribution forte pour permettre les débouchés.

Nous constatons à date une contraction des marges tout au long de la chaîne alimentaire.

Il faut donc un cadre qui ne fragilise pas les agriculteurs, ni les autres maillons – c’est le cas de la loi EGAlim 2 mais aussi de la charte. Il faut que certaines hausses passent.

Ces renégociations ont des conséquences sur les citoyens et l’Etat prendra sa part pour amortir les hausses et protéger le pouvoir d’achat.

L’équation qui est devant nous est donc difficile : il faut protéger la filière et faire passer les hausses nécessaires tout en protégeant le pouvoir d’achat.

Nous constatons des comportements inappropriés : des demandes excessives de transparence et des renégociations volontairement retardées.

Prise de parole de la DGGCRF, Pierre Chambu

  • En ce qui concerne les contrôles, l’enquête menée sur les négociations 2022 continue avec les mêmes priorités et notamment la vérification de la bonne mise en œuvre des dispositions loi EGAlim 2.
  • Sur la question des pénalités logistiques qui est un point d’attention particulier de la DGCCRF, Monsieur Chambu a confirmé que seront publiées prochainement des lignes directrices (FAQ) pour préciser un certain nombre de d’interprétation.
  • Concernant le disposition dit « dérog conso/ étiquetage » : 2600 dérogations ont été accordées à date, des réunions bi-mensuelles continuent de se tenir.

FranceAgriMer : a fait un point de conjoncture et, sans surprise, la tendance continue à être haussière.

Prise de parole du Médiateur des relations commerciales agricoles :

Sur les médiations, la plupart des industriels ont fait le choix d’envoyer un nouveau tarif car les clauses de révision et de renégociation sont inopérantes voire absentes. Les propositions de tarifs ont été envoyées courant avril et mai.

La charte prévoyant 1 mois de négociation, on constate un retard dans la tenue de ce timing, il devrait y avoir à date plus de renégociations abouties. Constat que la pression commence à arriver du fait d’un retard de renégociations et des blocages.

Le médiateur a rappelé que son équipe est prête à absorber les demandes.

Sur les points d’inquiétudes :

  • Demandes excessives, voire extravagantes de certaines enseignes sur les coûts des industriels : il y a des demandes qui ne sont pas sérieuses et qui continuent.
  • Sur l’interprétation des dispositions sur la réversibilité des dispositifs de hausses : il faut des dispositions qui soient réversibles en cas de retournement des marchés mais les clauses qui exigent une annulation des renégociations et un retour au 1er mars en cas de retournement des marchés ne sont pas conformes à la charte.

Tour de table des distributeurs :

FCD :

  • Globalement les renégociations concernent la moitié des contrats – pour 90% se sont des renégociations totales des tarifs (et non une application des clauses).
  • Un certain nombre de renégociations ont abouti mais cela reste une minorité, une accélération aura lieu d’ici le 15 juin 2022.
  • 3 difficultés majeures à date :
  • Renégociations permanentes du fait des hausses en continu sur certains secteurs (volaille notamment).
  • Pour un même produit, il y a des demandes de hausses disparates par les industriels ce qui incite à demander de la transparence. Constat que plus l’entreprise est importante, plus elle a d’importantes marges, plus les demandes de hausses sont élevées.
  • On a des systèmes de chantage à la livraison et à la promotion.
  • Le résultat de tout ceci est une hausse des prix en rayons – il va y a voir presque 8% de hausse en rayon dans les semaines à venir – les enseignes essaient de limiter au maximum en rayon cette hausse mais cela se traduit par un risque sur le secteur. La baisse des volumes commence à devenir extrêmement inquiétante pour la GMS. Face à l’inflation et la contraction des volumes, cela va entraîner une baisse des marges des distributeurs.

Leclerc :

  • Sur la tendance de consommation, constat d’un rationnement des achats (baisse en volume et en valeur + croissance des MDD)  et d’une baisse des marges sur les MDD – ces mesures ne sont pas tenables sur le long terme, il y aura donc une accélération de l’inflation à venir.
  • Sur les certifications :  l’enseigne n’a pas encore pas toutes les certifications option 3.
  • Plus de la moitié du CA de l’enseigne est en renégociation (demandes en moyenne de 10%) – équipes mobilisées sur ce travail inédit et l’analyse des écarts en industriels sur un même produit.

Carrefour :

  • Les discussions sont en cours avec une accélération des demandes de hausses.
  • Difficultés inquiétantes sur les transports avec un risque de pénurie cet été.
  • Sur la transparence, elle s’explique par les demandes très disparates sur les mêmes catégories.

ITM :

  • 50% des demandes sont parvenues à date – constat d’écarts importants d’un fournisseur à l’autre.

SU :

  • Rien de nouveau – les demandes affluent encore.
  • Assez de transparence de la part de certains interlocuteurs. La transparence demandée par l’enseigne semble selon elle saine et en conformité avec la charte.

AMC :

  • Sur la MDD, les choses avancent bien ; sur la MN : phase de crispation mais restent confiants.
  • Sur les demandes tarifaires des industriels – constat de malentendus sur les indices qui sont sur un glissement annuel alors qu’il faudrait se baser sur les indices du début d’année.
  • Sur la transparence – vérification en interne s’il n’y a pas d’excès de la part des acheteurs.
  • Sur la réversibilité : souhait de la symétrie des clauses.

Auchan :

  • Des cas d’absence de transparence par des industriels qui auto-certifient leurs comptes (et non pas des CAC).
  • Souhait sur la réversibilité d’une symétrie des clauses.

Lidl :

  • Modèle particulier car 90% de MDD – permet de discuter des tarifs tous les jours ou plusieurs fois par mois. Le plus grand des défis est d’avoir de la marchandise, et cela nécessite de passer les hausses.
  • Sur les MN : nous demandons de la transparence de bon sens – quand les IAA donnent de la transparence, il n’y aucun souci pour faire passer ces hausses.

Cora :

  • Plus de 700 demandes à date ; 60% sont finalisées en premier prix et en MDD ; sur la MN, constat de soucis de transparence.

Aldi :

  • Principale problématique – assurer l’approvisionnement en magasins. Dès lors que la transparence est présente, les hausses passent.

Tour de table des industriels :

Jean-Philippe André est intervenu pour l’ANIA sur les points suivants :

  • En introduction, Jean-Philippe André a souhaité remercier le Ministre pour le maintien de ce comité de liaison, spécificité très française mais très importante, notamment pour nos PME mais aussi pour les nouveaux titres associés aux ministres qui contiennent la « souveraineté alimentaire » et la « souveraineté industrielle », défis de demain.
  • Sur les hausses des MPA et MPI, les hausses sont avérées, objectives, et il faut arrêter de perdre du temps à faire des faux procès sur la justification – il faut arrêter de se cacher derrière des demandes excessives pour faire retarder les négociations. Surtout que tout le monde a bien compris que les prix ne sont pas fixés par nos entreprises mais par le marché.
  • A date 90% des entreprises sont ou vont retourner en négociation. 50% des entreprises sont encore en cours de renégociation, et 12% sont confrontées à un refus d’entrer en renégociation par certaines enseignes et 14% n’ont pas de réponse du distributeur. A date, on a un % très faible d’entreprises qui ont terminé l’ensemble de leurs renégociations – rappelant la nécessité d’aller vite.
  • Sur la réversibilité = il faut appliquer l’esprit la charte, nous nous y engageons en cas de retournement des marchés.
  • Sur les approvisionnements et le risque de rupture : nous sommes dans un contexte tendu en termes d’approvisionnement sur les MPA/MPI. Sur les MPI, nous n’avons pas le choix d’accepter les prix. Il y a un réel déséquilibre opérationnel et juridique :
    • Les fournisseurs font face à des augmentations de MPA et de MPI, et dans l’esprit d’EGAlim 2, nous protégeons au maximum le coût des MPA.
    • Sur les MPI, quand le fournisseur d’énergie, de transport (indexé automatiquement) ou d’emballage augmente ses tarifs = nous avons une incapacité opérationnelle de les refuser : sinon c’est l’arrêt de production.

àDonc déséquilibre sur ce qui se passe au-dessous de nous – nous ne pouvons pas refuser la hausse de ces intrants et n’arrivons pas à les répercuter ensuite à l’aval = nous sommes pris en étau et obligés d’encaisser les hausses. Le fournisseur face à ces hausses a 4 possibilités :

1.    Soit il arrive à faire passer ces hausses aux distributeurs (visiblement pas le cas).

2.    Soit il arrête de produire car il n’a plus les moyens de s’approvisionner – d’acheter ses MPA et MPI = risque de rupture. Même chose sur les promotions, certaines entreprises n’ont d’autre choix que de couper ce poste qui n’est pas rentable pour elles.

3.    Soit il arrête de livrer certaines références car il est devenu plus cher de produire que de livrer = risque de rupture

4.    Soit il prend encore et encore sur ses marges = risque de mettre en péril la société

Collectivement, prenons conscience de ce risque de rupture.

  • Sur les pénalités, nous attendons beaucoup des lignes directrices car ce sujet dure trop – ce sujet est insupportable ; il représente 2 à 3% du résultat opérationnel de nos entreprises. Par ailleurs, Jean-Philippe André a suggéré que la transparence soit également faite sur le montant perçu par les enseignes sur les pénalités logistiques et si elles sont justifiées.
  • Dans un contexte d’inflation – nos entreprises sont conscientes du rôle qu’elles ont à jouer, elles prennent leur part de responsabilité (négocient actuellement les salaires mais sans visibilité sur les revalorisations des tarifs) – mais il faut faire passer les hausses nécessaires en rayon et donner à l’alimentation sa vraie valeur. Nous sommes favorables au chèque alimentaire pour aider nos concitoyens en situation de précarité.
  • Mais il faut sortir de cette impasse mortifère pour notre industrie et reconnaître la réalité économique. A date les chefs d’entreprise de la 1ère industrie de France sont très inquiets, voire anxieux pour l’avenir.

Les autres représentants des industriels ont abondé en ce sens.

La Coopération Agricole a alerté sur la situation qui devient périlleuse avec certaines entreprises aujourd’hui très inquiètes à maintenir leur activité.

L’ILEC a alerté sur le taux de service moyen très faible par rapport à d’habitude (en moyenne à 93% vs 98.5%) et sur la problématique de la disponibilité du transport. Par ailleurs, la hausse en rayon actuelle de 3,5% est finalement celle qui a été négociée au 1er mars – ce n’est pas l’impact de la crise Ukraine qui est répercutée en rayon.

Les fédérations représentatives des agriculteurs ont été particulièrement alarmistes dans leurs propos également.

Conclusion du Ministre :

  • Confirme le maintien du rythme hebdomadaire des réunions du comité de suivi tous les jeudis à 10h,
  • Sur la méthode, des échanges bilatéraux du ministre ont déjà eu lieu et vont continuer avec l’ensemble des parties prenantes (Jean-Philippe André et moi-même rencontrons le Ministre le 8 juin),
  • Le ministre a insisté sur le fait qu’il faille avoir collectivement conscience du moment grave et dur que l’on vit et qui nous attend dans les mois à venir et des impacts en termes de PA.
  • Concernant la transparence, c’est l’esprit même de la charte qui doit résider. Ce qui est en cause c’est la transparence excessive et les demandes disproportionnées qui ont pour conséquence de retarder et bloquer les négociations.
  • Le ministre a demandé au MRCA de prendre attache auprès des parties prenantes pour identifier les problématiques et les enseignes qui ne jouent pas le jeu
  • Sur la réversibilité : les positions n’étant pas identiques sur ce qu’on entend par réversibilité, le MRCA va se rapprocher des parties prenantes afin que tout le monde ait la même lecture de ce principe.
  • Il faut que les renégociations soient menées vite car il y a des risques de pérennité de certaines filières et entreprises. Quand la volatilité est grande, il faut aller vite.
  • Sur l’évolution des tendances de consommation : Le ministre a demandé une présentation sur l’évolution des volumes de vente mais aussi des CA et les marges des enseignes.
  • Difficultés d’approvisionnements sur la MPA mais aussi sur les intrants (et notamment les palettes) – il va être convenu d’un point d’étape.
  • Enfin concernant la souveraineté alimentaire : le Ministre a demandé à chacun des maillons de la chaîne de prendre ses responsabilités et la prise en considération des difficultés des uns et des autres : réfléchir en filière.

Nous restons mobilisés avec toute l’équipe.